« […] la recherche psychologique actuelle […] veut prouver au moi qu’il n’est pas même maître dans sa propre maison, et qu’il en est réduit à de maigres informations sur ce qui survient inconsciemment dans sa vie d’âme » (Freud, 1915-1917/2000, p. 295). Dans Leçons d’introduction à la psychanalyse, Sigmund Freud induit par ces mots une certaine vulnérabilité du moi à ne pas être “maître” de toutes pensées et/ou de toutes actions émises, du fait de l’existence de l’inconscient qui borde ainsi la « mégalomanie humaine », pour reprendre les termes du psychanalyste. Cela nous amène à concevoir l’idée paradoxale de l’existence, dans le rapport à nous-mêmes, de quelque chose de l’ordre d’un doute, d’un manque, de zones d’ombre primordiales, vectrices d’une réflexion en suspension et évolutive. C’est à cette limite que ce colloque s’intéresse.

Cette absence de contrôle absolu du moi sur son propre domaine nous interpelle et nous invite à faire un parallèle avec la situation de la psychanalyse dans notre société actuelle. Nous pouvons nous demander si la psychanalyse est vraiment maître de sa propre maison, une maison dont les fondations s’apparentent – pour certains ou par moment – à la connaissance, voire à un savoir qui serait acquis et maîtrisé. En effet, si la psychanalyse tend à éliminer la place du doute dans sa théorie, et que « le savoir est pouvoir », comme le dit Michel Foucault (1976), la psychanalyse court le risque de répéter – inconsciemment – certains mécanismes d’oppression sur les sujets.

Des analogies avec de précédentes recherches, issues de disciplines relatives aux « sciences dures » telles que la physique ou la biologie, ont participé à l’évolution de la psychanalyse. Nicolas Copernic a démontré que la terre n’est pas le centre de l’univers, « […] mais une infime parcelle d’un système cosmique dont on peut à peine se représenter la grandeur. » (Freud, 1915-1917/2000, p. 295) Les travaux de Charles Darwin ont bousculé la société lorsqu’il a été mis à jour le caractère originaire de la nature animale de l’homme. Si la psychanalyse a émergé en laissant le doute s’immiscer, elle a également été enrichie et repensée à « taille humaine » grâce aux autres disciplines. Néanmoins, qu’en est-il plus d’un siècle après les propos de S. Freud ? La revendication par notre société occidentale de la détention d’un savoir – voire d’un unique savoir – vient soulever la question de la perte du propos initial. Sommes-nous en train d’oublier, d’omettre, de dénier ou de refuser le caractère infini voire indéfinissable que recouvre le savoir et l’importance du doute dans l’existence de la psychanalyse ?

La nouveauté présente une forme d’extériorité et mobilise la psychanalyse dans son devoir de se repenser. En questionnant la psychanalyse en tant que théorie et pratique clinique, en la mettant au travail dans une perspective contemporaine et au regard des autres disciplines, nous constatons ses propres limites dans notre société, et la nécessité de la réinventer. La création de nouveaux concepts, les élaborations interdisciplinaires, l’écoute des minorités, l’ouverture interculturelle au-delà des frontières de l’occident, les rapports de pouvoir, le développement de son auto-critique, l’élargissement de ses pratiques cliniques sont divers moyens par lesquels la psychanalyse se renouvelle aujourd’hui (Ayouch, 2017 ; Bourlez, 2018 ; Brun et al., 2019 ; Evzonas, 2023 ; Haag, 2018 ; Laufer, 2022 ; Lippi, 2023). Nous nous sentons alors mobilisés autour d’une question centrale :

Comment la psychanalyse pourrait-elle être réinventée au regard des discours contemporains dans notre société actuelle et de ses propres limites ?

Lors de cette journée du 23 mars 2024, nous vous proposons d’élaborer sur cette question, autour de thèmes contemporains tels que la féminité, les genres, les minorités, les rapports de pouvoir, la crise climatique, la société de performance et de consommation, les réseaux sociaux, et les diverses problématiques qui nous interrogent dans notre société actuelle.

Les propositions de communication devront comprendre : nom, prénom, promotion, adresse mail et titre de la présentation. Il est possible de faire une présentation à deux.
D’un maximum d’une page (Times 12 et interligne 1,5), ces propositions devront être envoyées le 4 février 2024 au plus tard à l’adresse suivante : culturepsyp7@gmail.com .
Le texte final devra faire 6 pages maximum (15 min d'intervention).

Le comité d’organisation :
Chloé Benoit, Francesca Bus, Apolline Carne, Marie Terasas, Diễm Thảo Nghi Trần

Bibliographie :
Ayouch, T. (2017). Genre, classe, « race » et subalternité : pour une psychanalyse mineure. Dans : Croix, L. & Pommier, G. (Ed.), Pour un regard neuf de la psychanalyse sur le genre et les parentalités (pp. 171-203). Toulouse : Érès.
Bourlez, F. (2018). Queer psychanalyse. Clinique mineure et déconstructions de genre. Paris : Hermann
Brun, A., Chouvier, B. & Roussillon, R. (2019). Manuel des médiations thérapeutiques. Dunod
Evzonas, N. (2023). Devenirs trans de l’analyste. Paris : PUF
Freud, S. (2000). Leçons d’introduction à la psychanalyse. Dans Œuvres complètes: Psychanalyse. Volume XIV. 1915-1917. Paris : PUF. (Première publication en 1915-1917). Foucault, M. (1976). Histoire de la sexualité. Vol. 1 : La volonté de savoir. Gallimard
Haag, G. (2018). Le moi corporel. Autisme et développement. Paris : PUF
Laufer, L. (2022). Vers une psychanalyse émancipée. Renouer avec la subversion. La découverte
Lippi, S. & Maniglier, P. (2023). Sœurs : Pour une psychanalyse féministe. Paris : Seuil